L’Amour bédouin : Majnûn et Antar(9 pages) © Copyright bibliotrutt.com |
L’histoire de Leylâ et Majnûn est connue : deux enfants d’une tribu bédouine gardent les troupeaux ensemble quand ils sont petits, deviennent inséparables, s’aiment, mais quand le père du garçon demande la main de la fille, le père de Leylâ la lui refuse sous le prétexte que leur amour s’étant trop affiché publiquement cela serait contraire aux moeurs de la tribu. Leylâ est mariée à un homme à qui elle se refuse sexuellement. Le garçon, en pèlerinage à La Mecque, au lieu d’implorer Allah de le guérir de son amour, lui demande de le lui conserver pour toujours. Il devient un fou d’amour (Majnûn signifie fou en arabe - on a d’ailleurs un mot en alsacien, ou plutôt en judéo-alsacien : meschugge, qui a peut-être la même racine sémite), erre dans le désert avec les animaux sauvages, se complaît dans sa douleur et va même - du moins dans la version turque de l’histoire - jusqu’à refuser l’union avec sa bien-aimée, lorsque celle-ci devient libre après la mort de son mari.
Je dispose de trois versions de cette folle histoire d’amour, la persane, la turque et l’arabe. C’est Nizâmî, le poète persan du XIIème siècle, auteur de Chosroès et Chînîn, ainsi que du Pavillon des sept Princesses, qui la célèbre dans un long poème qu’un Anglais érudit, peut-être médecin attaché à la Compagnie des
Indes orientales, a traduit en vers shakespeariens : Lailî and Majnûn, a Poem from the original persian of Nazâmi by James Atkinson of the honorable East India Company’s Bengal medical service, édit. A. J. Valpy, M. A., Londres, 1836. La version turque est du poète Fuzûlî né en Irak vers la fin du XVème siècle (voir : Fuzûlî : Leylâ and Mejnûn, introduction and notes by Prof. Alessio Bombaci, translation by Sofi Huri, édit. George Allen and Unwin, Londres, 1970). Mais Fuzûlî semble suivre son prédécesseur d’assez près (on appelait cela une réplique), même s’il oriente son sujet encore plus vers le mysticisme que Nizâmi (à moins que ce ne soit sa traductrice, une orthodoxe-arabe, elle-même très portée sur le mysticisme, qui soit responsable de cette orientation). Enfin André Miquel nous présente des poèmes traduits de l’arabe et qui racontent toujours la même histoire : Majnûn, L’amour Poème, choix de poèmes traduits de l’arabe et présentés par André Miquel, édit. Sindbad - Actes Sud, Arles, 1999.
On voit tout le chemin parcouru depuis l’histoire de Wîs et Râmîndu Persan Gorgâni, toute consacrée à l’amour corporel et à la magie des sens. Il n’est donc pas étonnant que les mystiques se soient appropriés le thème de Majnûn : la beauté de l’aimée n’est qu’un reflet de la beauté divine ; l’émotion profonde créée par la passion permet l’élévation vers Dieu ; l’abstinence sexuelle, la jouissance de la douleur, l’espoir de l’union avec son amante au paradis font de Majnûn un saint qui n’aspire plus qu’à la quête de Dieu.
Ce sont les poètes persans et turcs qui ont orienté l’histoire de Leylâ et Majnûn dans cette direction. Cela ne semble pas être le cas de la légende originale arabe célébrée dans les poèmes rassemblés par André Miquel et dont l’auteur, selon la tradition, est Majnûn lui-même (mais, nous dit André Miquel, ce n’est qu’une fiction).
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Ingénieur - il faut bien vivre - je n'ai pas arrêté de voyager, pour mon travail, de par le monde.
Tout en ne cessant jamais de voyager, plus encore, par mes livres.
Adepte de littérature mondiale d'abord. Et puis comme cette littérature vous apprend que l'Homme est un (comme disait Etiemble), j'ai commencé à m'intéresser tout naturellement à ces sciences que l'on dit humaines et qui nous parlent de religions, de mythes, de folklore, d'ethnologie, de contes de fées, de langues et d'écritures. D'histoire aussi bien sûr.
Et cela fait maintenant presque vingt ans que j'en parle dans mon Voyage autour de ma Bibliothèque, mon premier site. Auquel j'ai joint un deuxième site, mon Bloc-notes, pour des découvertes plus actuelles.
Mais : « tes textes sont trop longs », m'ont dit mes amis.
« Trop de détails, trop de digressions ».
Ils voulaient probablement dire que je devenais trop pédant et que je les ennuyais. Alors j'ai coupé, élagué, re-rédigé, essayé de rendre mes textes plus lisibles, plus attrayants aussi par la typographie, et faciles à télécharger (en PDF qui a l'avantage de conserver les illustrations, notes de bas de pages et pagination ou e-pub pour ceux qui préfèrent ce mode pour leurs liseuses électroniques). Le résultat : ces Carnets d'un dilettante. Voilà. Je ne sais pas si j'ai réussi. Dites-moi ce que vous en pensez. Si vous en avez envie.