Trois écrivains japonais que j'aime (Saikaku, Kafû, Kawabata)(9 pages) © Copyright bibliotrutt.com |
Ihara Saikaku
J’aime beaucoup Saikaku. Un écrivain de la deuxième moitié du XVIIème siècle, et pourtant déjà très moderne et bien plaisant à lire (voir : Ihara Saikaku : Cinq amoureuses, trad. et notes de Georges Bonmarchand, édit. Gallimard, Paris, 1959). Il est vrai que tout est nouveau chez lui : on a même prétendu qu’il est le précurseur du roman psychologique. Et le monde qu’il décrit est lui-même nouveau : c’est celui des Tokugawa qui vient de commencer et qui va durer jusqu’à la révolution de Meiji. Le monde nouveau des chônin, les commerçants bourgeois propriétaires, le début du théâtre Kabuki, moins élitiste que le Nô, du théâtre des marionnettes dans lequel va s’illustrer le grand auteur dramatique Chimitsu, les quartiers de plaisir qui vont fleurir dans toutes les grandes villes : Shimabara à Kyôto, Shimmachi à Osaka et bien sûr Yoshiwara à Edo, c. à d. Tokyo. Il y a un vrai plaisir à lire Saikaku. Ses histoires grouillent littéralement de personnages de toutes sortes: acteurs, moines, bonzes, ascètes, pèlerins, diseurs de bonne aventure, colporteurs, trafiquants divers, vendeurs d’étoffes, d’armures, de légumes, de levain, fabricants de tonneaux, de cercueils, puisatiers, bouilleurs d’alcool de riz, propriétaires de maisons de thé, éditeurs d’almanachs, bateliers, entremetteuses, policiers, chasseurs, oiseleurs, paysans, viveurs, prostituées... et pas un seul Samouraï ! Et tous éclatent de cette vitalité si japonaise !
Pourtant Saikaku a surtout la réputation d’être un auteur de romans érotiques. Ce qui n’est pas vraiment le cas, même s’il a écrit la Vie d’un ami de la volupté et la Vie d’une amie de la volupté. Les cinq histoires qu’il raconte dans les Cinq Amoureuses sont d’abord, comme le dit Bonmarchand dans sa préface, des histoires d’amours sensuels. Le Japon - comme la Chine - n’a pas été pollué par les conceptions sexuelles des Sémites. Mais si les sens sont l’élément déclencheur de la liaison amoureuse, je trouve que la sentimentalité, un certain romantisme même, ne sont pas complètement absents. Par exemple dans la quatrième histoire : la jeune O-Shichi, la fille du marchand de légumes, a découvert l’amour à seize ans avec un jeune homme, aussi innocent qu’elle-même, à l’occasion d’un incendie et, pour rencontrer à nouveau son amant, va allumer un autre feu. Condamnée comme incendiaire à être brûlée vive elle affronte courageusement son destin, illuminée par l’amour, et laisse un message pour son amant, malade d’amour et inconscient, lui demandant de ne pas se suicider mais de se faire bonze. Le récit de la mort d’O-Shichi est très beau :
« La vie humaine est bornée. La sienne s’en alla dans la fumée du bûcher, peine assez rare, non loin de Shinagawa, au bord d’un chemin herbeux, à l’heure où résonnait la cloche qui annonce la fin du jour. De toute façon, la destinée des hommes est de ne pouvoir éviter de terminer leur vie en fumée. Mais O-Shichi eut une fin particulièrement digne de pitié. Cela se passait hier. Qui regardait ce lieu, le lendemain matin, n’y voyait plus ni poussière, ni cendres. Seul restait le vent des pins de Sudzu-gamori ».
Promenades littéraires, côté Occident
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Ingénieur - il faut bien vivre - je n'ai pas arrêté de voyager, pour mon travail, de par le monde.
Tout en ne cessant jamais de voyager, plus encore, par mes livres.
Adepte de littérature mondiale d'abord. Et puis comme cette littérature vous apprend que l'Homme est un (comme disait Etiemble), j'ai commencé à m'intéresser tout naturellement à ces sciences que l'on dit humaines et qui nous parlent de religions, de mythes, de folklore, d'ethnologie, de contes de fées, de langues et d'écritures. D'histoire aussi bien sûr.
Et cela fait maintenant presque vingt ans que j'en parle dans mon Voyage autour de ma Bibliothèque, mon premier site. Auquel j'ai joint un deuxième site, mon Bloc-notes, pour des découvertes plus actuelles.
Mais : « tes textes sont trop longs », m'ont dit mes amis.
« Trop de détails, trop de digressions ».
Ils voulaient probablement dire que je devenais trop pédant et que je les ennuyais. Alors j'ai coupé, élagué, re-rédigé, essayé de rendre mes textes plus lisibles, plus attrayants aussi par la typographie, et faciles à télécharger (en PDF qui a l'avantage de conserver les illustrations, notes de bas de pages et pagination ou e-pub pour ceux qui préfèrent ce mode pour leurs liseuses électroniques). Le résultat : ces Carnets d'un dilettante. Voilà. Je ne sais pas si j'ai réussi. Dites-moi ce que vous en pensez. Si vous en avez envie.