Mon oncle, le curé et le capucin(12 pages) © Copyright bibliotrutt.com |
Tout en haut de mes rayons de littérature allemande trônent deux volumes, superbement reliés, et contenant les sermons d’un prédicateur viennois de la fin du XVIIème siècle, Abraham a Sancta Clara. Ces livres, c'est le curé Oberlechner, curé de la paroisse Sainte Marie à Colmar, qui me les avait offerts.
Le curé passait nous voir assez régulièrement dans la propriété que mon oncle et ma tante avaient achetée après la guerre, juste à l'entrée de la ville de Munster. En général c'était pour se rendre à la colonie de vacances qu'il avait organisée pour les enfants de sa paroisse ouvrière, dans les hautes Vosges, du côté d'Orbey. Je le vois encore, affalé dans un fauteuil, en train de fumer sa pipe, en compagnie de mon oncle après avoir puisé très largement dans le pot à tabac de la maison rempli d'un mélange savamment dosé et bien humidifié par une carotte ou une pomme de terre. En général les deux hommes dégustaient en même temps l'un des alcools de fruits distillés par mon oncle, probablement un Kirsch ou une Mirabelle, le fameux Tutti Frutti où dominait le parfum de framboise étant plutôt réservé aux dames.
Le curé aimait bien mon oncle. D'ailleurs tout le monde aimait mon oncle. Il avait un charme qui opérait sur tous. Hommes et femmes. Probablement un charme italien. Son père était venu d'Italie, s'était installé comme maçon à Wintzenheim du côté de Colmar et avait fait quatorze enfants à une brave fille de paysanne du coin. Mon oncle était parmi les plus jeunes des quatorze, ce qui l'avait rendu modeste. Mais en même temps émanait de lui une certaine virilité qui faisait qu'il s'imposait assez naturellement sans que personne ne songe à s'opposer à lui. Difficile d'expliquer cette autorité naturelle car il n'élevait jamais la voix. La violence lui était étrangère. Au contraire, tout le monde ressentait que c'était un homme éminemment bon. Peut-être était-ce une question d'âge : ma tante avait dix ans de plus que ma mère et trois de plus que mon parrain, son frère. Et mon oncle avait cinq ans de plus que sa femme. En tout cas je n'ai jamais vu personne dans la famille lui tenir tête. Mais c'était la même chose en dehors de la famille. Que ce soit avec ses amis de Haguenau, ses ouvriers de la briqueterie, avec les chasseurs de la vallée de Munster, sa gentillesse, son humour, son charme opéraient sur tout le monde et tout le monde l'adorait.
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Ingénieur - il faut bien vivre - je n'ai pas arrêté de voyager, pour mon travail, de par le monde.
Tout en ne cessant jamais de voyager, plus encore, par mes livres.
Adepte de littérature mondiale d'abord. Et puis comme cette littérature vous apprend que l'Homme est un (comme disait Etiemble), j'ai commencé à m'intéresser tout naturellement à ces sciences que l'on dit humaines et qui nous parlent de religions, de mythes, de folklore, d'ethnologie, de contes de fées, de langues et d'écritures. D'histoire aussi bien sûr.
Et cela fait maintenant presque vingt ans que j'en parle dans mon Voyage autour de ma Bibliothèque, mon premier site. Auquel j'ai joint un deuxième site, mon Bloc-notes, pour des découvertes plus actuelles.
Mais : « tes textes sont trop longs », m'ont dit mes amis.
« Trop de détails, trop de digressions ».
Ils voulaient probablement dire que je devenais trop pédant et que je les ennuyais. Alors j'ai coupé, élagué, re-rédigé, essayé de rendre mes textes plus lisibles, plus attrayants aussi par la typographie, et faciles à télécharger (en PDF qui a l'avantage de conserver les illustrations, notes de bas de pages et pagination ou e-pub pour ceux qui préfèrent ce mode pour leurs liseuses électroniques). Le résultat : ces Carnets d'un dilettante. Voilà. Je ne sais pas si j'ai réussi. Dites-moi ce que vous en pensez. Si vous en avez envie.